Ce qui suit n'exprime que mon sentiment de vieux prof. de maths, et probablement pas ce que pense la majorité de mes jeunes collègues en exercice.
Il est courant d'entendre dire que "le bac actuel ne veut plus rien dire^", "qu'il est donné à tout le monde" .... C'est une évidente réalité.
Les élèves, leurs parents, leur école n'en sont pas moins heureux et fiers de cette réussite, ce qui est respectable et naturel, mais ne change rien à la valeur du diplôme.
Jusqu'ici les "sacro-saintes" classes préparatoires tenaient le choc, assurant la sélection pour l'accès aux grandes écoles, laquelle n'existe plus depuis pas mal d'années au niveau du collège et du lycée.
Même ce dernier rempart s'effrite, et l'accès aux grandes écoles s'ouvre chaque année un peu plus aux élèves de fac, après deux ou trois années, fin de L2 ou L3, tout en étant réservé aux meilleurs d'entre eux, qui peuvent ainsi être admis dans les écoles plus prestigieuses, ce qui est d'ailleurs une ouverture salutaire.
En collège ou lycée, on ne parle plus, jusqu'en salle des profs, que de la "nécessaire indulgence" à l'égard de l'élève^, de "l'interdiction de délivrer des notes pénalisantes", qui nuiraient à leur orientation post-bac ....
On en arrive à des dérives incontrôlables, ou des élèves de terminale accumulent des 20/20, qui n'ont aucun sens, comme si la perfection était de ce monde, là où il y a encore 20 ans, ils auraient plafonné, sauf pour les meilleurs, à 14/20, d'où des mamans affolées, qui décrochent leur téléphone et vont jusqu'à reprocher au professeur d'avoir sous-noté leur petite merveille par un 18/20, hautement préjudiciable pour la suite de ses études ....
Dans quel monde vit-on ?????
Une grosse décennie en arrière, quand un bon élève obtenait 15/20 de moyenne, on mesurait la différence avec un très bon, qui obtenait 18, mais quand un élève ordinaire obtient régulièrement 18/20, comment faire la différence avec celui qui est clairement un cran au dessus.
Pour encore faire régulièrement travailler des élèves de terminale, aux moyennes de maths de plus de 14/20, j'affirme que la majorité d'entre eux a un niveau juste normal, ce qui est déjà méritoire, avec une maîtrise très relative des connaissances attendues, et une capacité de calcul niveau 3ème-2nde très aléatoire, ce qui a des conséquences dramatiques.
Comme dans le conte d'ANDERSEN "Le Roi Nu", quand verrons nous le petit enfant, avec toute son innocence, s'écrier "il est tout nu le Monsieur", quand tous les courtisans autour du roi, s'esbaudissent sur la splendeur de son habit, que des charlatans leur ont fait croire être invisible par les imbéciles.
Je suis loin d'être seul à tenir ce discours, mais je crains que ce ne soit plus qu'un combat sans espoir. Le mal est fait, nous ne nous en remettrons pas. Les notations internationales nous placent maintenant parmi les derniers pays en mathématiques, mais c'est sans importance, tout le monde il est bon, tout le monde il est gentil.
Que tout s'écroule, que le socle de connaissances de l'élève moyen, de l'école primaire à l'enseignement supérieur s'affaisse chaque décennie un peu plus, d'aucun diront qu'on s'en plaint depuis SOCRATE, mais il arrive un moment où il n'est plus vraiment possible de descendre plus bas, on y est, et cela n'est pas la faute des élèves^, ni plus, ni moins intelligents que leurs prédécesseurs, même s'il en reste de cultivés et brillants, qui se limitent aux doigts d'une seule main dans la plupart des classes terminales.
L'élève ne peut à priori reproduire que ce que les exigences académiques ont imposé comme limites à leurs enseignants.
Même les procédures d'établissement des dossiers scolaires pour l'enseignement supérieur est muselé, selon un soi-disant principe d'égalité, où seule la note et l'appréciation du professeur sont prises en compte, où le nom même de l'établissement d'origine est gommé, afin qu'un 18/20 soit apprécié de la même façon, quel que soit le lycée d'origine, du plus prestigieux, cette petite dizaine en France qui produit 75% des futurs polytechniciens, aux lycées de zone prioritaire les plus modestes, fidèles à leur vocation d'amener la majorité de leurs élèves de terminales à des études supérieures valorisantes, ce qui n'est pas à la portée de n'importe quelle équipe enseignante.
Je le clame haut et fort "Non, l'uniformisation des niveaux, et le nivellement par le bas, ne rendent service à personne", et surtout pas aux jeunes de condition modeste, qui par leur travail et leurs capacités propres, pouvaient jusqu'alors sortir du lot par la réussite scolaire^, l'encouragement, la stimulation, et connaître l'ivresse de se deviner meilleur, qu'on noie aujourd'hui dans un magma scolaire sans odeur et sans saveur.
Si j'ai un conseil à donner aux parents qui, en me lisant, s'interrogent sur les avantages d'inscrire ou de maintenir leurs enfants dans des établissements de renom ....
Si c'est juste pour passer le bac, disons "pour le lycée", le mal risque d'être déjà fait.
Privilégiez en effet les établissements reconnus pour leur encadrement de travail, dès le collège, pas ceux dont on dit que l'on y "force" les élèves au travail, personne n'est capable de forcer celui qui n'en aura jamais l'envie, mais ceux dont on vante la disponibilité pour vérifier les acquis, qui savent mettre en place un réel accompagnement de remise à niveau face aux faiblesses constatées, et si vous le pouvez, vérifiez régulièrement la réalité des connaissances de vos enfants.
Excusez, si c'est encore possible, cette très longue première partie, la seconde le sera tout autant,
Je fais partie de ces dinosaures, qui ont passé les derniers vrais examens, sans aucun contrôle continu, comme l'examen d'entrée en 6ème (1954, sa dernière année), j'avais 9 ans, et ne pas le réussir interdisait temporairement le collège, le BEPC (Brevet des Collèges)^, sans lequel, là encore, on ne passait pas en 2nde, la 1ère partie de Baccalauréat, la dernière à nouveau, bac complet en fin de Première, même sanction pour le passage en Terminale, puis évidemment le Bac de Terminale, où on passait les mêmes épreuves, avec le même sujet sur l'ensemble du territoire national.
D'aucuns diront "Pourquoi ce stress, pourquoi ces sanctions ?". Je réponds, "l'objectif était tout l'inverse, récompenser par la réussite à l'examen le travail de l'élève, le mettre en valeur, assurer sa promotion en le faisant changer de catégorie, selon des épreuves et des critères nationaux, porteurs de sens".
Je suis pour le rétablissement, sinon de l'entrée en 6ème, d'un examen final en 3ème, garantie du socle de connaissances, qui non acquis, impose de refaire son année de 3ème, pour en assurer l'acquisition, autorisant alors le passage en 2nde.
Démarche identique en Terminale, avec un vrai bac national, ou académique, à l'ancienne, avec des épreuve communes à tous les élèves, corrigées sans influences extérieures diverses, comme l'autorisent les dérives du contrôle continu, un bacalauréat qui assure que son obtention atteste de connaissances adaptées à l'enseignement supérieur, plutôt que d'abaisser, année après année, le niveau exigé après bac, pour l'adapter à la réalité des élèves y accédant.
Il n'y a rien d'une sanction là-dedans, mais au contraire, un objectif de promotion.
Pourquoi ma défiance à l'égard du contrôle continu .... parce que c'est le risque et la réalité de dérives, de certains favoritismes, et parce qu'il n'a pas le même sens selon les établissements.
Qui n'a jamais eu d'échos de pressions en vue de relever des notes de contrôle continu, soit par la hiérarchie de l'école, parce que le bambin est le fils ou le petit fils de Monsieur le Maire ou Madame la Député, soit parce que la maman est une collègue, ce qui incité à une certaine bienveillance, petits travers communs à toutes les relations humaines, dans l'école et hors de l'école.
La seule parade à ces dérives, c'est le contrôle anonyme, écrit et oral, par des enseignants extérieurs, à l'ancienne, avec éventuellement une faible dose de contrôle continu, l'impact très majoritaire restant par un contrôle ponctuel et anonyme, à l'échelon national, seul garant d'une égalité face à l'examen, et gage de la valeur du résultat pour les études supérieures.
Il n'y a pas d'alternative possible.
En conclusion, toutes les dérives, tous les abaissements officiels des niveaux requis, n'empêcheront jamais l'échéance ultime de l'entrée dans l'emploi, où la bienveillance et la compréhension, la tolérance montrée par l'employeur, n'iront jamais au delà ce qui est tolérable pour la bonne santé de l'entreprise, d'où les difficiles prises de conscience de nombre d'étudiants, mal préparés à cette réalité du terrain, lorsqu'il n'y a plus de prof. à faire appeler par maman pour redorer le blason du cher bambin.